Voici un beau livre. Un livre que l’on offre à Noël et que l’on feuillette bien assis dans son canapé.
En allant au-delà des frontières de l’Europe, les auteurs nous présentent les grands alpinistes du monde. L’intérêt du livre tient surtout dans sa pagination. Chaque page peut être dépliée en une double page sur laquelle apparaît une photo immense. Cette présentation donne toute sa dimension à l’illustration. Ce faisant, toute la paroi ou la face semble, alors, être devant nous, avec les protagonistes en pleine action.
Dans la même collection, un autre ouvrage, paginé de la même façon nous offre un panorama des plus beaux sommets du monde : grandiose !!!
Les plus beaux sommets du monde. Alessandro Gogna, Edition Arthaud, Paris, 2006.
Avec ce livre souvenir regroupant des couvertures de Paris Match, partons à la découverte de ce que le grand public va connaître de la montagne, à travers la presse. C’est une vision originale qui nous permet d’avoir un autre regard sur notre activité favorite. En quelque sorte, voir l’alpinisme et l’escalade avec les yeux du profane.
Pour la période de l’avant-guerre, l’alpinisme n’est pas un sujet pour Paris Match, magazine hebdomadaire français d'actualités et d'images, né en 1949 et célèbre par sa devise : « Le poids des mots, le choc des photos ».
Puis vint la période des héros : l’Annapurna, le Fitz Roy, l’Everest, le Makalu….Et des drames : le sauvetage du Malabar Princess, la photo de la crevasse fatale pour Lachenal, l’Eiger « ce monstre », la fin du village de Tignes, la tragédie de Vincendon et Henry… La montagne est présentée, à la fois, comme le lieu de tous les exploits que l’on magnifie et comme une tueuse d’homme !
Avec Patrick Edlinger, s’ouvre la période des sprinters des cimes et de l’esthétisme. Enchaînements de voies, escalade en solo, ski extrême se multiplient, mais derrière cette façade, le drame n’est jamais très loin comme en témoigne les dernières Unes : Tragique cordée, Embouteillage mortel, Herzog tombe de sa montagne, Patrick Edlinger a lâché prise…Catherine Destivelle, qui se prête au jeu de la rédactrice en chef dans cet ouvrage, le dit : «Les journalistes de la presse grand public ne perçoivent pas toujours les subtilités de l’alpinisme ».
Le fait divers faisant plus vendre que la bonne nouvelle, doit-on s’étonner de cette constante propension à présenter un alpinisme émotion où les mots et les photos doivent faire frémir le lecteur ?
Fut un temps où les alpinistes décrivaient leurs exploits avec force détails sur les premières qu’ils réalisaient. Généralement, la montagne était belle et là-haut tout- ou presque- était beau. C’était l’époque où la neige recouvrait (cachait ?) les roches pourries des parois rendant l’escalade plus aisée.
De nos jours, la neige fond et la montagne révèle ses roches instables, la littérature alpine aussi. Un peu comme si les modifications climatiques accompagnaient une nouvelle forme littéraire, dans laquelle les alpinistes n’ont plus de langue de bois, ni de discours politiquement correct. Avec ce petit livre, que l’on peut cacher dans une poche et lire au détour d’une salle d’attente pleine, les mythes de l’alpinisme sont dénudés de leur candeur innocente.
Ainsi, Erik Décamp égratigne et questionne avec force l’opinion que les alpinistes ont d’eux-mêmes dans un texte intitulé : « Le haut et le bas, le pur et l’impur ».
Plus en avant dans le livre, Benoît Heimermann écorne les héros d’autrefois avec ces quelques lignes sur « l’Annapurna ». Il ne reste alors plus que la montagne et les hommes sont redescendus du piédestal sur lequel l’histoire les avait installés !
Dominique Potard nous conte sa première solitaire du Boccalatte avec une telle vérité humaine dans un chapitre intitulé : « Beau oui comme Berhault », dans lequel il nous rappelle la fragilité de la condition humaine.
Virginie Rajaud-Allaneau fait un tour d’horizon d’une fleur mythique : « l’edelweiss ». En citant la chanson que Michel Blanc entonne sur le télésiège dans « Les bronzés font du ski », elle fait cependant une erreur. Ce n’est pas la chanson Etoile des neiges (Paroles: J. Plante - Musique: F. Winkler Interprète: Line Renaud (1949) ) qu’il chante suite à un différent de droit d’auteur mais d’autres paroles !!! C’est une adaptation avec des paroles réalisées spécialement pour le film, mais sur la même musique : Quand te reverrai-je ? (Auteurs compositeurs Pierre Bachelet et Raymond Gimenes, interprété par Michel Blanc ).
Ainsi, tour à tour, quarante histoires touchantes nous sont contées, quarante histoires touchant aux principaux mythes alpins.
Mythologies Alpines, sous la direction de François Damilano, JM Editions, 2012.
Une des caractéristiques des sports que nous pratiquons (escalade, alpinisme, ski, randonnée…) est qu’à travers l’ascension de sommets nous réalisons une descente au plus profond de nous-même. En allant au bout de notre effort, nous allons au bout de nous, dans une quête incessante de valeurs, d’identité et d’expérience du vertige.
En cela, nos pratiques font partie du Sport, ce fait social total tant il « engage toutes les dimensions physiques, psychologiques, institutionnelles, sociales, culturelles, économiques des individus qui le pratiquent et des sociétés qui le façonnent… ». Comprendre les enjeux de ce phénomène - le sport- qui produit tant de mythes, c’est aussi nous offrir un voyage encore plus passionnant lors de nos sorties.
Cet ouvrage écrit par de nombreux auteurs spécialistes nous offre cette opportunité.
Un chapitre attirera particulièrement notre attention : celui sur les sports d’aventures de Paul YONNET. Il y fait une analyse des faits les plus marquants de l’alpinisme de haut niveau en les replaçant dans l’évolution du monde : « d’un âge des grands défis à un monde fini » dans lequel « il ne restait à ouvrir que des voies de plus en plus difficiles, vers ces sommets déjà atteints… »
Prendre le temps de cette lecture, c’est « fouiller » dans tout ce « fatras » de phénomènes que véhicule le Sport parfois à notre insu. Loin de se perdre, nous aurons l’occasion d’aller plus loin encore, d’où cette formule « et peut-être bien plus…. » écrite dans la présentation de ces Notes de lecture.
Dans Notes de lecture, je vous présenterai, selon mon humeur, des livres sur la montagne, l’alpinisme, l’escalade et peut-être bien plus….
…. Et peut-être bien plus….Que voulait bien pouvoir dire ces quelques mots, souvent écrits dans l’introduction ?
Ils voulaient introduire cette idée d’aller plus loin dans la compréhension de nos pratiques sportives, nous qui, généralement, tentons d’aller toujours plus loin dans nos aventures. Car le sport c’est quoi au juste ? Cette sorte de mot dont tout le monde croit savoir le sens sans jamais parvenir à en donner une définition satisfaisante !
Un sociologue atypique, Paul YONNET, nous a donné des analyses séduisantes sur le sport. Dans Huit leçons sur le sport, il propose une définition du sport qui est à la fois un loisir, un phénomène distribué en deux systèmes de pratiques (soit la compétition contre les autres, soit la compétition avec soi-même), et un jeu qui crée du sacré à partir du profane. Il nous révèle dans quelle catégorie de pratiques s’inscrivent l’escalade, l’alpinisme et le ski. Il nous dit pourquoi les idées reçues d’un égoïsme et d’une inutilité de nos pratiques qui circulent ici ou là dans les médias sont fausses. Il nous montre comment nous sommes depuis des millénaires dans des sociétés du vertige. Et que l’acceptation de cette expérience du vertige a quitté les seuls domaines de la religion et de la guerre pour entrer dans le domaine du loisir.
Un livre qui paraît trop complexe à lire…mais qui part de faits connus et publiques pour en extraire une analyse simple et séduisante pour se révéler d’une lecture passionnante et jubilatoire !
Les années montagne, c’est l’histoire récente de l’alpinisme, celle du XX° siècle. Jean-Michel Asselin, écrivain et journaliste, a côtoyé les grands alpinistes du siècle dernier, tant sur les sommets que dans les vallées ou dans les salles de rédaction de différents magazines. Il nous conte donc, la grande aventure de l’alpinisme. Cette grande histoire se nourrit d’anecdotes, de confidences, de commentaires, d’avis personnels et de petites histoires. Le tout, nous permet de mieux comprendre cette histoire qui s’est écrite sous nos yeux et qui influence nos pratiques.
Dans le dernier chapitre, il se risque à une introduction pour décrire ce que sera la future histoire de l’alpinisme du XXI° siècle. En tant que vosgien et membre du CAF des Hautes- Vosges, vous serez sensible, comme moi, à l’évocation des exploits du « Blutch ».
Tout a été réalisé, mais tout reste à faire …..« Tout reste à écrire »….Tant que la montagne restera un terrain de jeux pour les alpinistes, un terrain de jeux où la folle liberté permettra « probablement l’une des dernières épopées…dans le domaine du loisir (ou de l’art) qui a tenté d’échapper aux normes de l’argent, de la sécurité, de la pensée dominante et unique ».
Vous allez me dire : il y va un peu fort avec de la sociologie, quel rapport avec ce que l’on fait en montagne ?, rien à voir avec nos balades et nos escalades en paroi…..
Pas si sûr ! Dans son livre, David Le BRETON nous ouvre à « une autre sociologie du risque, celle sur laquelle nous nous attarderons, se soucie plutôt de la signification des activités engagées par les acteurs dans leur vie personnelle ou professionnelle, leurs loisirs, pour aller à la rencontre du risque ou s’en protéger ».
Il nous parle de nos activités qui offrent aux jeunes « l’opportunité de vivre un moment hors du commun….librement choisie…permettant de s’ouvrir à une autre dimension de l’existence…de retrouver confiance en soi…..découvrant des formes d’organisations sociales qui ne prévoient pas le vol ou l’agressivité comme rapport aux autres….contribuant à fixer la peur et l’angoisse en dressant une scène contrôlée où le sujet brave ses terreurs intimes ou son ambivalence envers la mort au cours d’une activité où veillent les animateurs….octroie à l’individu le sentiment de s’appartenir, de maîtriser la confusion qui règne au cœur de sa vie….et ce moment fort, nul ne sait à l’avance ce qu’il génère, quel processus initiatique il vient ébranler qui mettra peut-être des années avant de mûrir, mais sans lequel rien n’aurait été possible ».
« ….Et ce moment fort, nul ne sait à l’avance ce qu’il génère, quel processus initiatique il vient ébranler qui mettra peut-être des années avant de mûrir, mais sans lequel rien n’aurait été possible ».
Tiens, tiens quand je vois les efforts de nos cadres pour emmener les jeunes en montagne, je me dis qu’ils ont déjà tout compris !!!
Tiens, tiens quand je lis les orientations en faveur de l’accès des jeunes à la montagne de différents organismes (FFCAM, Le manifeste des Assises de l’Alpinisme 2011…)….
Tout cet engagement est encore plus noble lorsque l’on sait que sans lui « rien n’aurait été possible » et que « nul ne sait à l’avance ce qu’il génère, quel processus initiatique il vient ébranler qui mettra peut-être des années avant de mûrir » !
La sociologie du risque ; David Le BRETON ; collection Que sais-je ? - Edition 2017