Dès 2015, j’avais été attentif à « cette drôle d’idée » de classer la pratique de l’alpinisme au patrimoine de l’Unesco. Drôle d’idée, pas tant que cela car depuis 2011, l’équitation française puis, en 2015 la Capoeira, (voir la liste complète du patrimoine immatériel) ont intégré le cercle restreint de jeux et sports à héritage culturel de l’Unesco.
Attentif au point d’avoir acheté, l’été 2015, le N°69 de la revue trimestrielle l’Alpe, "Alpinisme-Patrimoine de l’humanité ?", d’avoir été séduit par la démarche et de l’avoir utilisée dans le cadre de ma démarche de projet pédagogique qui visait à favoriser l’accès des collégiens, non pas à la pratique de l’escalade, mais à celle de l’alpinisme, nous qui sommes dans un département privilégié.
Cinq ans plus tard, Le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, lors de la quatorzième session à Bogotá, en Colombie, du 9 au 14 décembre 2019, validait le dossier de candidature n°01471, pour son inscription en 2019 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
« L’alpinisme est l’art de gravir des sommets et des parois en haute montagne, en toutes saisons, en terrain rocheux ou glaciaire. Il fait appel à des capacités physiques, techniques et intellectuelles et se pratique en utilisant des techniques adaptées, du matériel et des outils très spécifiques comme les piolets et les crampons. Il s’agit d’une pratique physique traditionnelle qui se caractérise par une culture partagée, regroupant la connaissance de l’environnement de la haute montagne, l’histoire de la pratique et des valeurs qui lui sont associées, et des savoir-faire spécifiques. L’alpinisme requiert également des connaissances sur l’environnement, les conditions climatiques changeantes et les risques naturels. Il s’appuie aussi sur des références esthétiques, les alpinistes étant attachés à l’élégance du geste dans l’ascension, à la contemplation des paysages et à la communion avec les milieux naturels traversés. La pratique mobilise en outre des principes éthiques reposant sur les engagements de chacun, notamment à ne laisser aucune trace de son passage et à porter secours aux autres praticiens. L’esprit d’équipe, symbolisé par la cordée, est un autre élément essentiel de la mentalité des alpinistes. La plupart des membres de la communauté appartiennent à des clubs alpins, qui diffusent les pratiques alpines dans le monde entier. Ces clubs organisent des sorties collectives, fournissent des informations pratiques et contribuent à diverses publications. Ce sont donc des vecteurs de la culture de l’alpinisme. Depuis le XXe siècle, les clubs alpins des trois pays cultivent des liens d’amitié en organisant fréquemment des rencontres bilatérales ou trilatérales à divers niveaux. » (voir ici)
Voilà pour la définition et l’aspect protocolaire de cette nomination.
A y réfléchir un peu et en dépassant les esprits chagrins, la pratique de l’alpinisme est bien culturelle en donnant un sens tout particulier à nos vies. Sa pratique est un incroyable mix entre effort physique, maîtrise technique, prise de décision constante face au risque, le tout dans un engagement intense aux limites des aptitudes humaines dans un terrain de jeu naturel, sauvage et hors du commun. Ne boudons pas le plaisir de faire partie de cette communauté humaine si singulière par-delà les opinions de chacun.
Pour aller plus loin, un livre : L’Unesco au Mont Blanc,Bernard Debarbieux, édition Guérin, 2020
Ces trois livres, chacun à leur manière, explorent comment et en quoi l’alpinisme s’est transformé au fil des décennies et s’est diffusé à un large public à partir des inventions techniques et de nouvelles conceptions. Evolution ou révolution des matériels mais aussi des techniques d’entraînement, de la nutrition à la connaissance de certains facteurs physiologiques, des modes d’appropriation par les pratiquants de ces évolutions jusqu’aux nouvelles technologies de l’information ; le tout dans des relations parfois fort complexes.
Alpinisme. La saga des inventions, Gilles Modica, Edition du Mont-Blanc, septembre 2014.
Guide technique et historique de l’alpinisme, Jean-Paul Walch, Edition Guérin, mai 2012.
Et si vous dénichez un exemplaire encore en vente de ce troisième bouquin, profitez en :
Innovations scientifiques & évolution DES PRATIQUES DE MONTAGNE, Ouvrage supervisé et coordonné par Yves Peysson, Edition FFCAM, actes du colloque novembre 2009, 2011.
L’auteur reprend avec bonheur le format de la célèbre collection Que Sais-je ? en prenant un malin plaisir à détourner tant le logo de la boussole, que la maxime de cette collection.
L’auteur nous livre alors, avec une délicieuse malice, une vision de l’alpinisme que pour rien au monde nous ne renierions !
Une sorte d’abécédaire de 50 questions – et plus si affinité- avec un humour qui nous force à rire ou à sourire…Tout en finesse, et parfois sans, tout en délicatesse, et parfois avec les gros sabots de l’impertinence, cet ouvrage nous apporte toutes les réponses à nos questions !
Bref, un livre à traîner avec soi, à consommer sans modération ni aucun à priori.
Si vous le cherchez sur un rayon, sachez qu'il est tout jaune !
L’alpinisme n’arrête plus d’être étudié par les sciences humaines : économie, psychologie, sociologie, politique, droit et maintenant philosophie ! C’est souvent sous l’angle de la prise de risque et de ses implications, que les auteurs scrutent, dissèquent nos attitudes et nos comportements.
Avec le temps qui passe et l’âge qui avance…, les alpinistes ressentent comme un besoin d’écrire, pour expliquer cette activité physique et sportive qui semble bien rester une des seules pratiques sportives de l’aventure dans nos sociétés actuelles.
Alain Ghersoen se lance donc dans une étude philosophique avec cet ouvrage de réflexion. Le projet est intéressant et il complète utilement les autres études que nous avons déjà mentionnées dans ces « Notes de lecture… ». Si le recours à des concepts propres à la philosophie s’avère indispensable, est-il vraiment utile d’en « truffer » chaque chapitre au point d’avoir besoin d’un dictionnaire pour appréhender le propos ? …Au risque de lasser le lecteur et de le décourager…..Et de l’éloigner un peu trop de ce type d ‘ouvrage.
Avec ce livre, je vous emmène dans un monde de vertige…..Mais, j’ai longtemps hésité à présenter ce livre tant sa lecture est bouleversante.
Un livre hors norme écrit par un auteur lui-même hors norme, sociologue à la liberté dérangeante. D’ailleurs, les premières lignes de son livre nous renvoient l’image triste de notre condition humaine en nous contant la conquête du Mont Blanc versant réalité et non plus côté mythique !
La construction du livre est déjà en elle-même originale : un premier livre « La montagne et la mort » suivi d’un deuxième : « Le vertige, catégorie de l’activité humaine ». L’introduction se situe au milieu de l’ouvrage, en introduction du deuxième livre, l’auteur en explique avec brio la raison. Le véritable titre étant « Cahiers du vertige », car c’est cela dont il est question : du fait que « l’homme est un être du vertige ». Il nous montre alors comment « l’expérience de la haute montagne, où le vertige physiologique n’est que prétexte à introduire et explorer un vertige, au sens strict, métaphysique ».
En fait, l’auteur se livre à une passionnante « enquête, à la découverte de l’utilité sociale de la « conquête de l’inutile » ».
Aux confins de tous les vertiges, cet ouvrage finit par nous en donner, pour le coup… le vertige !