Il est parfois délicat de parler d’un livre tant sa lecture vous touche. Dans le cas présent, c’est par cette délicieuse grâce d’avoir en face de vous une jongleuse de mots qui grimpe à la recherche de sa vie.
Une vie de jeunesse, de fougue et du temps qui passe avec un corps qui vieilli tout en permettant d’accepter ce parcours pour en mesurer certaines difficultés : « La célébrité, cette désagréable impression d’exister sans vivre. Il est décidément plus facile de devenir quelqu’un que d’être soi ».
Dans un de ses derniers chapitres, « Aventures intérieures », l’autrice évoque ces sentiments d’incomplétude et d’acceptation de son corps qui ne sont pas si évident à décrire. « Après avoir exploré les parois du globe, j’aspirais à plonger dans les profondeurs de l’être, plus vertigineuses peut-être… ». L’explication est dans ce titre si beau : « A la verticale de soi » que la dernière phrase résume à merveille. « Ainsi, grimper rejoignait l’essentiel de la vie…..L’amour et l’espérance ».
A la verticale de soi. Stéphanie Bodet. Edition Paulsen 2016. Collection Guérin.
Je ne pouvais pas passer sous silence tout ce que nous avons vécu et continuons à vivre avec cette pandémie. Quelle lecture était la plus intelligible pour témoigner de cette épreuve ? Je suis tombé, par le hasard qui offre à celui qui cherche, sur le livre de Jean-Pierre Dupuy à la faveur de l’une de ses interventions radio : L'heure bleue
Le livre est aussi facile et difficile à lire que ses propos à écouter comme lors de cette émission de laure Adler, L’heure bleue.
J’ai choisi ce texte, à dessein, car il part et arrive, à la fois, au même point que nous les alpinistes, skieurs hors-piste et parapentistes. Souvent nous pensons que « nous avons eu du bol », mais en fait en étant « ni trop près, ni trop loin du trou…ou bien être à la fois proche et distant de l’abîme » nous nous protégeons en ce sens que cela nous force à croire en la catastrophe afin de savoir quelle précaution prendre pour « préserver l’espoir de vivre ».
Sur ce coup - celui de cette pandémie - « il n’y a pas à conclure sauf à dire que collectivement, nous n’avons pas été à la hauteur ». Nous qui utilisons de plus en plus de matériel sophistiqué, modifions nos techniques dans nos pratiques en étant plus savants et responsables pour nous protéger et protéger les autres des accidents probables qui peuvent arriver lors de nos sorties, nous n’en avons pas collectivement tiré de leçon ! « Il fallait comprendre que ce virus est fait de telle sorte que pour s’en protéger, il faut d’abord que les autres vous protègent…en ce sens qu’il nous enjoint de penser aux autres avant de penser à nous-même ». Cela même que nous mettons en pratique dans nos pratiques sportives, il aurait fallu en faire autant dans nos vies de tous les jours.
« L’ambition de ce livre est modeste, mais le défi qu’il entend relever ne l’est pas. Il s’agit de comprendre comment, dans notre pays et ailleurs, tout un ensemble de gens intelligents et cultivés…ont pu et peuvent encore déraisonner au sujet de cette pandémie ». De quoi nous interroger et nous faire réfléchir…
L’auteur nous offre une autre façon de témoigner de notre passion avec une écriture qui met en lumière le pratiquant anonyme loin de ces récits de narrations monotones d’exploits hors de portée ou des ouvrages techniques écrits par et pour les initiés uniquement !
Mêlant récit personnel « simple, débarrassé enfin de l’armure éreintante du héros », faisant appel à des souvenirs et à leurs confrontations avec les récits et écrits de grands alpinistes, nous découvrons ce lien qui unit tous les alpinistes quels qu’ils soient. Les émotions, les travers, les non-dits, les joies et les tristesses, les remords…Tout ce qui fait de ce rêve de montagne un rêve humain, terriblement humain, dérisoire, obstiné, pitoyable et si beau, si émouvant car profondément humain.
Promontoire, Alain Nesme ; édition L’Harmattan ;2020
Sortie du fond des gouffres, voici une saga familiale et entrepreneuriale dont chacun d’entre nous trimballe sur son harnais quelques objets au fil du temps. C’est aussi l’histoire de l’invention de ces engins issus de la spéléologie et qui à force d’ingéniosité, ont, pour certains, conquis les sommets.
D’un atelier familial à l’entreprise du XXIème siècle, avec une fondation au service de la recherche et un bâtiment d’expérimentation très impressionnant, le groupe Petzl est devenu le leader mondial du matériel de la verticalité. Cerise sur le gâteau, il nous offre la possibilité de charger gracieusement le livre qui retrace cette histoire :
https://www.petzl.com/FR/fr/Sport/Downloads-eBooks/telecharger-livre-Petzl
Petzl, la promesse des profondeurs, Sophie Cuenot & Hervé Bodeau, édition Guérin, 2012.
https://www.editionspaulsen.com/petzl-la-promesse-des-profondeurs-1821.html
La littérature alpine est devenue un genre autonome et nous livre de plus en plus de beaux romans, livres techniques, BD, témoignages et autres. Vouloir suivre cette effervescence est devenu difficile, c’est pourquoi aujourd’hui je vais me tourner vers des revues qui nous présentent des livres. Alors il y a bien évidemment les revues classiques, Vertical, Montagne Magazine, Grimper et notre revue fédérale : La Montagne et L’Alpinisme ; mais j’ai voulu faire dans l’original parler d’une revue qui nous parle de l’Alpinisme que de temps en temps : Sport et Vie !
Dans le numéro 181 de juillet/Août 2020 un article sous forme d’interview nous présente Stéphanie Bodet et Arnaud Petit avec leurs aventures communes, leurs réflexions sur leurs pratiques, leurs lectures préférées et les livres qu’ils ont écrits. De quoi faire un bon tour de la question d’autant que Stéphanie Bodet nous le dit « …Avant de partir en voyage, je mets plus de soin à choisir quels compagnons de papier emporter que mon matériel d’escalade » ! Se nourrir autant d’escalade que de lecture pour assouvir sa passion, une démarche que je trouve passionnante. Et vous ?
J’ai résisté assez longtemps avant d’aller voir ce film, septique sur la réalisation de cette super production, suivant par là même, l’interrogation d’un magazine de montagne : faut-il aller voir « Everest » ?
Dans la salle, lunettes 3D sur le nez, j’ai apprécié les vues aériennes, mais surtout cela m’a donné l’irrésistible envie de lire le livre du journaliste Jon Krakauer que j’avais oublié sur mes étagères….
Ma foi, l’un ne va pas sans l’autre : les images époustouflantes d’un côté, le récit-témoignage de l’autre. Les imprécisions du scénario laissent de multiples questionnements qui trouvent dans les souvenirs (sujets à polémique) du livre des explications à défaut d’une vérité qui ne peut être qu’illusoire car baignée par les ambitions des protagonistes. Une aventure humaine « mixture de misère et de rêves »(1) comme une forme de « ratage bouleversant »(1) de l’obstination humaine.
(1) : 101 expériences de philosophie quotidienne, Roger-Pol Droit, Edition Odile Jacob,2002
Tragédie à l’Everest, Jon Krakauer, Edition Presse de la Cité, mars 1998.
Un petit livre rouge des Editions Guérin.
Il y a longtemps que j’ai lu ce livre. Il est posé sur une étagère et je ne fais plus que voir son titre gravé sur la tranche de la reliure.
Je n’en évoquerai que les souvenirs qu’il me reste après sa lecture : une impression de grande sensibilité et une écriture humble avec beaucoup d’humilité…Quelque chose de simple par nature que je n’avais pas ressenti dans les ouvrages d’autres grands alpinistes.
Un chapitre me revient à l’esprit : celui dans lequel Christophe Moulin conte son ascension de la voie Demaison sur le pilier du pic de Bure. Une sorte de montée vertigineuse et tourmentée vers les cieux et les étoiles dans tous les sens du terme, puisqu’il se refugie à l’observatoire au sommet du pic. Une sorte d’allégorie de l’ascension de l’homme à travers les âges vers une conscience plus éclairée, une allégorie de ce que chaque homme vit, à la recherche d’un but pour son existence, une allégorie pour chaque grimpeur qui un jour s’est confronté à une aventure verticale et qui ont tous ressenti que pour eux, « cette journée était unique, mais….pour la plupart des gens, il ne s’était effectivement rien passé de neuf sous les étoiles »…Ni sur terre….
Mais voilà, pour écrire ces quelques lignes, le livre est sur mes genoux. J’ai, en quelque sorte, triché ! Je ne vous parle plus de mes souvenirs de lecture. De temps à autre, mes doigts quittent les touches du clavier pour le feuilleter. Mais oui, il y a aussi ce passage dans lequel….Et celui-ci…Toujours avec autant de sincérité. J’arrive ainsi à la dernière phrase. Je la lis, la relis. Je ferme l’ouvrage…Mais, je caresse toutes les pages et m’arrête à nouveau sur la dernière ligne : l’aventure est finie.
Un petit coup d’œil au site des Edition Guérin ?